vendredi 12 décembre 2014

RON COBB 05 : ALIEN





Ron Cobb revient sur l'idée de base autour des Space Jockeys :



"À un certain moment, un cataclysme a provoqué l'extermination des adultes de cette race unique, ne laissant personne pour soigner et nourrir les jeunes. Mais dans une sombre chambre inférieure du temple de reproduction, un grand nombre d'œufs sommeillent, attendant de sentir quelque chose de chaud. Des années plus tard, arrivent les Space Jockeys sur ce planétoïde. Les Jockeys sont en mission d’exploration et d’archéologie. Ils sont fascinés par ce temple fabuleux et cette culture inconnue. Un d’entre eux trouve la chambre des œufs et se fait « face-hugger ». Il est sauvé mais personne ne comprend ce qui s’est passé. Ils le ramènent à leur vaisseau et continuent l’exploration de la surface de la planète. Quand le « chest burster » jaillit du Jockey, c’est un véritable massacre jusqu’à ce qu’il soit tué. L’Alien meurt, mais il se décompose immédiatement et son sang acide ronge la coque du vaisseau des Jockey, les laissant échoués sur la planète. Les Jockeys envoient un message radio prévenant qu’il y a sur cette planète un dangereux parasite, que rien ne peut être fait pour les sauver à temps et que personne ne devrait tenter un sauvetage. Les Jockeys meurent ensuite lentement de faim."
Ron Cobb, Alien portfolio.



Premiers dessins du vaisseau des "Space Jockeys" par Ron Cobb.


 




"Ma première version du pont était en effet très spacieuse, sur plusieurs niveaux, dans un style californien, avec ces grandes fenêtres. J’avais cette idée pour un plan spectaculaire où l’on aurait vu approcher une planète en rotation sur les écrans de contrôle, et soudain les fenêtres se seraient ouvertes, la lumière aurait inondé l’intérieur et on aurait vu la même planète dehors effectuer la même rotation que sur l’écran. Mais ils ont décidé que c’était trop cher, et qu’on devait se diriger vers un pont à la Star Trek, sans fenêtre et avec un écran."

Premier et second desk :

 






Extrait de l'interview de Ron Cobb dans Rocket's Blast #148, Avril 1979 (soit un mois avant la sortie du film aux USA)

J’ai cru comprendre que le film avait rencontré beaucoup de problèmes. Pouvez-vous m’en parler ?
J’ai constaté qu’il y a eu beaucoup de déceptions, beaucoup de malentendus, et il y avait un manque de clarté et de direction dans le design du film. Mais je m’y attendais de toute façon. C’était une grosse production, il y avait beaucoup d’argent en jeu et beaucoup de gens impliqués. Je me doutais bien qu’on n’allait pas être sur des concepts pointus. Je savais qu’ils allaient prendre leurs distances par rapport au script de Dan, je n’ai donc pas été aussi déçu que Dan a pu l’être. C’est une honte. Je pense qu’ils auraient dû rester plus proches du concept original et qu’ils auraient dû donner un peu plus de libertés aux designers parce qu’ils ne prenaient que les idées qu’ils comprenaient, et s’ils ne les comprenaient pas, ils insistaient sur quelque chose d’autre qui n’avait pas leur place. Il y a eu ainsi plein de choses vraiment ennuyeuses. Mais c’était aussi la première fois que tous ces gens faisaient un film de ce type, et ils n’étaient pas conscients de la sensibilité que certaines personnes comme Dan ou moi avons à propos de la cohérence. Finalement, je trouve que ça n’a pas trop mal marché. Il n’y a aucun intérêt à rentrer dans les détails… Il y avait juste des malentendus, et un manque de clarté.
Je pense que les véritables soucis étaient dans la sphère de Dan, à cause des réécritures. C’est vraiment terrible, des révisions bâclées, certaines sans intérêt et certaines d’entre elles rendaient le travail de Dan pour garder la cohérence et le sens de tout ça très difficile. J’étais plus concerné par la cohérence visuelle et certains éléments de crédibilité.  Parfois je pouvais faire valoir mes arguments, parfois je ne pouvais simplement pas, parce qu’ils ne les comprenaient pas. Je ne pouvais simplement pas communiquer certaines idées. Je n’avais pas assez de pouvoir… Tout ce qu’on peut dire c’est que le film terminé n’est pas le film que Dan et moi voulions faire, ou même que Dan, Giger, Shusett et moi voulions faire… Ce n’est pas exactement ce film, mais c’est quand même assez proche de ce que Dan O’Bannon et Ron Shusett voulaient, car ils sont restés sur place et se sont battus centimètre par centimètre, jour après jour, pour que le film ne s’éloigne pas trop des concepts forts qui étaient dans leur script original. Je pense que la plupart des gens vont être impressionnés par le film. Il y a de belles choses et de nombreuses idées spectaculaires qui ont survécus et quelques innovations apportées par l’équipe qui étaient vraiment bonnes. Peut-être qu’à l’époque nous n’avons pas reconnu à quel point elles étaient bonnes. Si il y avait quelques très bonnes idées, la plupart ne l’étaient pas…
Vous vous rappelez des incidents ou des anecdotes ?
Eh bien, seulement les plus ridicules, qui sont arrivées pendant qu’ils tournaient. Une des choses que sur lesquelles Dan insistait, c’est qu’il devait y avoir un chat à bord. Il y a donc une mascotte, un petit chat qui errait un peu partout dans le vaisseau. Bien sûr, travailler avec un animal sur le plateau d’un vaisseau spatial créé toutes sortes de problèmes ridicules…
Avez-vous fabriqué une litière pour le chat dans le vaisseau ?
Exactement. J’ai dû concevoir une boite pour le chat, une boite pressurisée. Quoi qu'il en soit, il y avait à travers toutes ces scènes plein de petites choses qu’il fallait obtenir du chat. Ils avaient une scène où ils voulaient filmer le dernier survivant qui cherchait désespérément le chat pour le sauver, pour le prendre avec lui et quitter le navire qu’elle s’apprête alors à faire exploser. Ils avaient une scène à faire où le chat dormait sur un fauteuil de la cabine de pilotage, elle venait en rampant et finalement elle le trouvait, elle appuyait sur un bouton et le fauteuil faisait un petit bond et le chat s’enfuyait, elle l’attrapait, le mettait dans la boite et elle s’enfuyait.
Tout le truc, au final, c’était d’arriver à endormir le chat dans ce petit fauteuil. Je suis donc passé un jour et j’ai vu cette situation ridicule où il y avait toute l’équipe de ce décors de vaisseau spatial gigantesque, la salle de contrôle, les lumières, la caméra, la dolly, le réalisateur et l’assistant réalisateur, les gens du maquillage et tous les acteurs, et les petites cages à assorties, qu’ils avaient rempli de chats utilisés pour différentes prises, parce qu’une fois que le chat était surpris, ils devaient recommencer avec un nouveau chat, ils étaient tous identiques. Nous étions tous assis autour, très tendus, en train d’attendre, tout le monde reste très tranquille pendant que quelqu’un essayait d’endormir ce chat sur le fauteuil de contrôle. Vous êtes donc assis là, tout le monde est très calme et finalement l’assistant réalisateur avec son mégaphone énorme disant « Attention, le chat est couché, le chat est couché, attention ! » Tout le monde se tient prêt, est prêt, et finalement il dit « Quoi ? Il est endormi ! Il est endormi ! » Quelqu’un dit « Go ! » Et tout le monde surgit et ils tournent la scène… Tout le monde est du genre « Petit petit petit… » jusqu’à ce qu’ils fassent la surprise au chat. Et puis ils sont obligés de recommencer, et de prendre un nouveau chat, et ils doivent le calmer, le calmer, et attendre, jusqu’à ce que le chat s’endorme. C’était fascinant. Vraiment fascinant parce que tout le pont du vaisseau était plein.
Les salles de contrôle et le train d’atterrissage, cette jambe immense sur la surface de la planète, faisaient plus de neuf mètres de haut. Ils ont utilisés des enfants dans des scaphandres, un petit peu comme ils avaient fait dans Destination Lune, pour rendre le vaisseau encore plus grand. Ces pauvres petits gamins perdaient connaissance dans leurs combinaisons spatiales parce qu’il faisait trop chaud. Ils ont remplis tout le plateau avec de la fumée provenant d’une sorte de mélange d’huile sinistre et horriblement chaude… Et ces gamins se promenaient dans ces costumes lourdement rembourrés, avec des petits visages rouges en train mourir à l’intérieur. Je ne sais pas… en gros c’était vraiment triste et désespérant.

J’ai toujours eu une idée très réaliste de ce qu’implique la fabrication d'un film, ça ne m’a donc pas gêné plus que ça. C’était surtout beaucoup de travail très dur, beaucoup de déceptions, mais c’était vraiment excitant de voir quelque chose dont vous avez dessiné les plans être construit. Ces plateaux immenses, ces décors gigantesques, et pouvoir se promener au milieu de tout ça, ça a toujours été quelque chose que je rêvais de faire. Je dois dire que j’adore apprendre, j’adore faire une erreur et voir comment la corriger. C’était beaucoup comme ça. C’était une incroyable accumulation de choses comme ça ! Maintenant je vois comment faire ça, comment utiliser les matériaux et comment y mettre la lumière… J’ai gagné énormément de confiance dans mes capacités à concevoir des décors, ce qui n’était pourtant pas exactement mon boulot dans le film. Mais j’ai réussi à littéralement concevoir des plateaux de manière très, très complexe. J’ai supervisé leur habillage et tout ce qu’il y avait à faire dessus. J’espère que dans le futur j’aurai plus de pouvoir, plus de confiance et plus de capacités. Il y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas. Ca a été une grande expérience pour moi. Ca n’a pas été agréable pour Dan, mais j’espère le refaire. J’espère retravailler avec Dan, bien sûr, dans quelques projets futurs…

Peut être dans They Bite ?
Oui !




Divers travaux de Cobb pour le film :
 
 



 




















Le vaisseau lorsque Cobb insistait pour qu'il y ait un mouvement circulaire pouvant créer une apesenteur artificielle. Idée abandonnée, au désespoir de Cobb. L'équipage du Nostromo profite donc, dans le film, d'une gravité fantaisiste.


Lorsque Ridley Scott a vu cette idée, il a trouvé que celà ressemblait à une croix. Il a donc eu l'idée de faire la salle de "Maman" comme l'alcôve d'une cathédrale, pleine de bougies. Ce décors est un des rares du Nostromo à n'avoir pas été designé par Cobb !










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